Je réalise avec effroi qu’en voulant aider Melle 5 ans face à une difficulté, je faisais à sa place depuis de longs mois. J’attendais que son élan naturel lui donne envie de persévérer sans me rendre compte qu’en l’aidant systématiquement quand elle me demandait ou même un peu avant, elle ne pouvait pas persévérer et surmonter la difficulté.
Depuis sa naissance nous prônons l’autonomie, la responsabilisation, la coopération et nous essayons de l’appliquer au mieux. Mais, il y a bien un mais, nous étions souvent derrière elle. Toujours là pour l’aider en cas de besoin. Et même avant qu’elle en ai besoin parfois.
À anticiper, à l’encourager sans qu’elle nous demande. Melle 5 ans est très débrouillarde et persévère lorsque nous ne sommes pas dans le coin. Elle est autonome pour tout ce qui ne lui pose pas de difficulté. Le problème venait quand la difficulté arrivait. Je me suis longtemps dit que c’était parce que nous étions son point d’ancrage et qu’elle se laissait aller avec nous ou bien encore car elle avait peur de l’erreur comme je ne me l’accordais pas moi même ou bien encore parce qu’ayant beaucoup de facilités, elle n’aimait pas que quelque chose lui résiste. Je comprends aujourd’hui que ce n’étaient pas les seules raisons.
À quoi bon persévérer quand quelqu’un peut le faire avec nous ou nous accompagner ou faire à notre place? À force d’être toujours dans les parages et de savoir qu’elle pouvait compter sur nous coûte que coûte, elle finissait par se reposer de plus en plus sur nous si bien que l’on finissait facilement par faire pour elle. Et je ne vous cache pas que ça devenait pesant! Bien sûr les régressions existent et elles font partie de leur développement. Bien sûr dans une fratrie, on se bat pour avoir l’attention. Mais chez nous en tout cas, il n’y avait pas que ça. Elle finissait par se laisser vivre et par se laisser porter. Ce qui en plus de nous épuiser lui renvoyait une mauvaise image d’elle. Comment peut-on avoir une bonne estime de soi lorsque l’on baisse les bras face aux difficultés ou quand on attend que l’autre fasse toujours à notre place? Et que cette personne bien intentionnée vient faire pour nous au lieu de nous montrer? Oui, c’est confortable au départ peut-être, mais à la longue, on se sent incapable. Le plus drôle, c’est de réaliser que ce que je faisais, ce que nous faisions avec elle, c’est ce que je reproche à mon mari de faire avec moi.
Il est précieux pour l’enfant (et l’adulte) de savoir demander de l’aide autant que de savoir persévérer. La laisser tâtonner, lui faire confiance, l’encourager pour qu’elle continue et qu’elle persiste plutôt que de répondre à sa demande d’aide immédiatement en faisant. Ce dont elle a besoin, c’est d’être entendue et soutenue. Et aussi de savoir que l’on croit en sa capacité à se dépasser et à trouver la force de surmonter la difficulté. Notre changement de posture avec elle ne se fait pas sans heurt. Elle n’est pas contente de perdre cette facilité. Elle crie sa frustration, elle pleure parfois aussi. Elle n’a pas envie et pourtant cela ne dure que quelques secondes ou quelques minutes. Une fois la colère et la frustration évacuée, elle fait face et elle y arrive comme par magie, très bien. Tout de suite après avoir surmonté la difficulté seule, on voit sur son visage qu’elle est fière d’elle, quand elle ne le dit pas elle même. Pour son plus grand bonheur, pour sa confiance en elle et pour notre plus grand repos. 😉
Nous avons dérapé sur cette autonomie à l’arrivée de sa sœur. Par culpabilité de devoir diviser notre attention entre elles et aussi par facilité, pour aller plus vite. Nous avons gagné du temps à court terme et nous en avons surtout perdu à long terme.
Elle est autonome et fait preuve de beaucoup de ressources pour trouver des solutions, seulement en notre présence, elle ne veut plus autant faire car nous faisons parfois trop pour elle au lieu de l’encourager à faire seule. Cela ne veut pas dire bien sûr que nous ne l’aidons plus. Parfois elle n’a pas envie et ça fait aussi partie du jeu. Mais ce n’est pas toujours ok non plus. Et puis parfois, elle a vraiment besoin d’aide et c’est bien normal ! Tout l’art de trouver le bon équilibre et le bon dosage pour tout le monde.
Retrouver la juste place pour chacun.